Des oeuvres de Degottex au Frac Bretagne

Jean DEGOTTEX : Vague n°5, 1954
Encre de Chine sur papier
64 x 50 cm

 

Jean DEGOTTEX : Vague n°8; 1954
Encre de Chine sur papier
64 x 50 cm

 

Jean DEGOTTEX : Vague, Saint-Samson, 1954
Carnet de 6 dessins recto
Encre sur papier
Chaque dessin: 26 x 20 cm

 

Jean DEGOTTEX : Vague n°3, septembre 1954
Encre de Chine sur papier
64 x 50 cm

 

Jean DEGOTTEX : Vague n°4, septembre 1954
Encre de Chine sur papier
64 x 50 cm

 

 

Suite Serto XI , 1958
Encre de Chine sur papier, 53 x 80 cm.

   Issu d’un ensemble qui se développe en deux temps, mars-avril, puis novembre 1957.
Cette période se développe en parallèle à une plongée dans l’histoire de l ‘écriture. Réflexion à partir du signe sur le problème de l' écriture. Dans une étape ultérieure, 1958-59, l’interrogation se précise. Le point d’impact sera la connexion signe-signifié dans l’écriture cursive occidentale, en prenant un modèle simple, le mot ROSE (le rose, la rose).
    Les variations graphiques de la suite Serto ont comme point de départ un modèle de texte Serto . D’après JG Février, Serto signifie littéralement « ligne d’écriture » à cause de son aspect linéaire, dû à l’habitude généralisée d’écrire de haut en bas.

   Ici, la ligne grille littéralement l’espace de la feuille. Aucune démonstration concrète par rapport au problème spécifique de l’écriture. Sinon une constante  par rapport au problème particulier de la peinture, l’espace avec une autre dimension, linéarité et temps amplifiés par la la lecture décomposable de la suite ou série.

DEGOTTEX   Signes et métasignes, 1954-1967
Carré d’art de Nîmes, Musée d’art contemporain de Nîmes. 1992
cat.expo



Tréompan, septembre 1954
Encre de Chine sur papier.

 

 

Tréompan, septembre 1954
Encre de Chine sur papier.


Suite écriture VIII, 12-1962.
Huile / carte / toile, 120 x 80 cm.


Degottex

Degottex commence à peindre en 1941 en Tunisie où il est mobilisé. Il admire Gauguin et Van Gogh. Par la couleur, il cherche à traduire intuitivement des rythmes qu’il déchiffre dans le paysage. Ses premières expositions à la galerie Denise René et à la galerie de Beaune lui valent le prix Kandinsky en 1951.

A Paris, au printemps 1954, le poète et critique d’art, Charles Estienne propose à un groupe d’artistes un séjour sur la côte nord du Finistère d’où il est originaire. Duvillier, Poliakoff et Degottex répondent à cette invitation. Durant tout l’été, Degottex, installé à Portsall, parcourt en peintre les dunes et les grèves entre Argenton et Lampaul. Il trouve dans cet espace marin, le souffle, déjà au sens oriental du terme, qui va dynamiser un moment important de sa pratique picturale.

Les dunes, les grèves, les rochers mais aussi la plage aux limites fluctuantes, la mer, le ciel, la pluie, le vent, la brume, le vol des oiseaux de mer, les galops de chevaux libres, composent un milieu vivant, mouvant, traversé d’énergies, auquel il est particulièrement réceptif. Quelque soit le temps, il travaille tous les jours «sur le motif» utilisant des moyens élémentaires : papier, aquarelle, encre de Chine, support maintenu à l’horizontale par des galets. Des centaines de feuilles seront nécessaires dans des conditions qui exigent une grande rapidité d’exécution. Les traces éventuelles de pluie et de sable sont acceptées à part entière. Les titres indiquent «l’inspiration», au sens primordial connotant le souffle : Tréompan, La vague, Le Bec, Saint-Samson, Sables...

A Tréompan, ce qui s’ouvre à la vision du peintre, associe un espace fluide, le ciel, la mer, les sables, à une ponctuation structurante, les îlots rocheux, le goémon, les épaves, les galets découverts par la marée. De la conjugaison de ces éléments naît une écriture rapide, spontanée dont les signes prennent en charge les formes solides du paysage, mais aussi le mouvement de l’eau, les traces laissées dans le sable. L’espace blanc de la feuille opère un redressement frontal de la perspective, comme une page. Il s’agit bien d’une écriture, non linéaire, signes groupés, organisés selon la réception immédiate.

De retour à Paris, durant l’automne et l’hiver 1955, l’expérience de Bretagne se poursuit dans le souvenir de l’été. De nombreuses huiles sur toile dans lesquelles la couleur joue un rôle important, en rendent compte. André Breton et Charles Estienne préfacent une exposition à la galerie A l’Etoile scellée en février 1955. «Sans l’avoir voulu, cet art renoue avec la plus haute leçon de la peinture extrême-orientale, celle des oeuvres zen du douzième siècle...l’idée définitive d’une oeuvre d’art ne semble pas résulter d’un travail de composition qui rassemble laborieusement et essaye méthodiquement...l’idée finalise, précipite plutôt instantanément dans l’âme de l’artiste préparée et fertilisée par l’ambiance et la vision...Je pense qu’il n’est rien là pour infirmer les propres présomptions à l’origine du surréalisme et en rapport direct avec l’écriture automatique...» dit Breton.

En parallèle à ces recherches, à partir de 1957, l’intérêt se porte sur l’histoire des écritures, sur leurs mutations formelles, à partir de modèles d’écritures calligraphiques encore vivantes, chinoises et islamiques en particulier. « Le nom, le ou les signes qui le composent, sont plus importants pour moi que la chose qu’ils désignent » dit Degottex pour l’exposition Sept métasignes sur la Fleur de 1961.

(....)

Dispositif essentiel de la pratique de Degottex, la série, ici encore, engage un travail critique, une attention soutenue au « ce qui passe » : il semble bien qu’ainsi le concept de projet artistique se définisse plutôt comme attitude vigilante et réceptive, en recherche d’équilibre entre action, observation, réflexion.

G.S.

in Panoramas, 1986-1991, la collection du Frac Bretagne

 

 

Biographie de Jean DEGOTTEX
Peintre français
(Sathonay, 1918 — Paris, 1988).

Si son style fut momentanément marqué par le surréalisme et l'abstraction lyrique (en 1955, Breton préfaça le catalogue de son exposition à la galerie l'Étoile scellée), ce qui intéressait Degottex dans la pratique de l'écriture automatique, était la gestuelle picturale, et surtout l'activation de la surface du tableau par l'inscription du signe, dont il avait découvert la dynamique dans la calligraphie extrême-orientale et les fondements philosophiques dans le bouddhisme zen.

Réduite à sa fonction minimale, la pratique picturale consiste alors dans le tracé du pinceau sur la toile, la trace étant elle-même signe et l'exercice périlleux de l'inscription, précis et définitif (unique), se jouant dans la fulgurance du tracé. Sur fond blanc ou sombre, sur de grands formats, l'œuvre, marquée par l'importance égale accordée au vide, possède une présence immédiate (séries des Métasignes, Aware, 1961).

Au milieu des années 1960, Degottex intégra la notion de matérialité du support : des incisions, grattages, pliages, découpages suffisaient à qualifier l'espace pictural et remplaçaient la fonction du signe, tandis que l'utilisation de matériaux variés : tissu, papier, bois, lui permit de jouer sur le dessin naturel du support. La ligne, en tant que figure géométrique, devint principe d'activation de l'espace : dépression ou bourrelet dans le matériau, elle seule désormais servait à animer la surface par des jeux d'ombre où la part d'intervention du peintre devenait de plus en plus limitée.