Degottex
Degottex
commence à peindre en 1941 en Tunisie où il est mobilisé. Il admire
Gauguin et Van Gogh. Par la couleur, il cherche à traduire intuitivement
des rythmes qu’il déchiffre dans le paysage. Ses premières expositions
à la galerie Denise René et à la galerie de Beaune lui valent le prix
Kandinsky en 1951.
A
Paris, au printemps 1954, le poète et critique d’art, Charles Estienne
propose à un groupe d’artistes un séjour sur la côte nord du Finistère
d’où il est originaire. Duvillier, Poliakoff et Degottex répondent à
cette invitation. Durant tout l’été, Degottex, installé à Portsall,
parcourt en peintre les dunes et les grèves entre Argenton et Lampaul. Il
trouve dans cet espace marin, le souffle, déjà au sens oriental du
terme, qui va dynamiser un moment important de sa pratique picturale.
Les
dunes, les grèves, les rochers mais aussi la plage aux limites
fluctuantes, la mer, le ciel, la pluie, le vent, la brume, le vol des
oiseaux de mer, les galops de chevaux libres, composent un milieu vivant,
mouvant, traversé d’énergies, auquel il est particulièrement réceptif.
Quelque soit le temps, il travaille tous les jours «sur le motif»
utilisant des moyens élémentaires : papier, aquarelle, encre de Chine,
support maintenu à l’horizontale par des galets. Des centaines de
feuilles seront nécessaires dans des conditions qui exigent une grande
rapidité d’exécution. Les traces éventuelles de pluie et de sable
sont acceptées à part entière. Les titres indiquent «l’inspiration»,
au sens primordial connotant le souffle : Tréompan,
La vague, Le Bec, Saint-Samson, Sables...
A
Tréompan, ce qui s’ouvre à la vision du peintre, associe un espace
fluide, le ciel, la mer, les sables, à une ponctuation structurante, les
îlots rocheux, le goémon, les épaves, les galets découverts par la marée.
De la conjugaison de ces éléments naît une écriture rapide, spontanée
dont les signes prennent en charge les formes solides du paysage, mais
aussi le mouvement de l’eau, les traces laissées dans le sable.
L’espace blanc de la feuille opère un redressement frontal de la
perspective, comme une page. Il s’agit bien d’une écriture, non linéaire,
signes groupés, organisés selon la réception immédiate.
De
retour à Paris, durant l’automne et l’hiver 1955, l’expérience de
Bretagne se poursuit dans le souvenir de l’été. De nombreuses huiles
sur toile dans lesquelles la couleur joue un rôle important, en rendent
compte. André Breton et Charles Estienne préfacent une exposition à la
galerie A l’Etoile scellée en février 1955. «Sans l’avoir voulu,
cet art renoue avec la plus haute leçon de la peinture extrême-orientale,
celle des oeuvres zen du douzième siècle...l’idée définitive d’une
oeuvre d’art ne semble pas résulter d’un travail de composition qui
rassemble laborieusement et essaye méthodiquement...l’idée finalise,
précipite plutôt instantanément dans l’âme de l’artiste préparée
et fertilisée par l’ambiance et la vision...Je pense qu’il n’est
rien là pour infirmer les propres présomptions à l’origine du surréalisme
et en rapport direct avec l’écriture automatique...» dit Breton.
En
parallèle à ces recherches, à partir de 1957, l’intérêt se porte
sur l’histoire des écritures, sur leurs mutations formelles, à partir
de modèles d’écritures calligraphiques encore vivantes, chinoises et
islamiques en particulier. « Le nom, le ou les signes qui le
composent, sont plus importants pour moi que la chose qu’ils désignent »
dit Degottex pour l’exposition Sept
métasignes sur la Fleur de 1961.
(....)
Dispositif
essentiel de la pratique de Degottex, la série, ici encore, engage un
travail critique, une attention soutenue au « ce qui passe » :
il semble bien qu’ainsi le concept de projet artistique se définisse
plutôt comme attitude vigilante et réceptive, en recherche d’équilibre
entre action, observation, réflexion.
G.S.
in
Panoramas,
1986-1991, la collection du Frac Bretagne
Biographie de Jean DEGOTTEX
Peintre
français (Sathonay, 1918 — Paris, 1988).
Si son style fut momentanément marqué par le
surréalisme et l'abstraction lyrique (en 1955, Breton préfaça le
catalogue de son exposition à la galerie l'Étoile scellée), ce qui intéressait
Degottex dans la pratique de l'écriture automatique, était la gestuelle
picturale, et surtout l'activation de la surface du tableau par
l'inscription du signe, dont il avait découvert la dynamique dans la
calligraphie extrême-orientale et les fondements philosophiques dans le
bouddhisme zen.
Réduite à sa fonction minimale, la pratique
picturale consiste alors dans le tracé du
pinceau sur la toile, la trace étant
elle-même signe et l'exercice périlleux de l'inscription, précis et définitif
(unique), se jouant dans la fulgurance du tracé.
Sur fond blanc ou sombre, sur de grands formats, l'œuvre, marquée par
l'importance égale accordée au vide, possède une présence immédiate
(séries des Métasignes, Aware, 1961).
Au milieu des années 1960, Degottex intégra la
notion de matérialité du support : des incisions, grattages,
pliages, découpages suffisaient à qualifier l'espace pictural et remplaçaient
la fonction du signe, tandis que l'utilisation de matériaux variés :
tissu, papier, bois, lui permit de jouer sur le dessin naturel du support.
La ligne, en tant que figure géométrique, devint principe d'activation
de l'espace : dépression ou bourrelet dans le matériau, elle seule
désormais servait à animer la surface par des jeux d'ombre où la part
d'intervention du peintre devenait de plus en plus limitée.
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