Didier Morin Didier
Morin : Stonehenge, 1984
Didier Morin Quelle
influence auront donc eu l’allée couverte des dolmens de Mettray, la
présence enfantine et musclée d’un Jean Genet dans une maison de
redressement à quelques distances de la ville de Tours, sur les
recherches d’un artiste attentif à ces torpeurs qui gîtent dans
l’environnement, ces signes du génie qui déconcertent la mémoire?
L’espace est minéral, il est déjà littéraire. Ce qui en fait l’épaisseur
semble inavouable. Didier Morin utilise la photographie pour apprivoiser
cet univers rugueux. Car il est toujours question d’une emprise carcérale
et ténébreuse, d’une mise au trou pour un retour en pleine lumière,
comme dans l’acte photographique même. En
1984, l’œuvre Stonehenge
décuple l’hommage rituel que Didier Morin rend depuis 1981 et
jusqu’en 1991 au site de Carnac. Les mines de Misengrain, explorées
en 1989 et qui composent à elles seules une série d’images
souterraines enchassées dans l’ardoise, répliquent ce face-à-face
nocturne aux mégalithes dressés à l’air libre, dans la quête du
secret de leur extraction et de leur mystérieuse levée. Les prises de
vue noir et blanc vibrent et ne se laissent pas saisir. Elles révèlent
l’émission et la captation des énergies telluriques et obscures de
la pierre superposées au souffle de l’artiste, la chambre
photographique oscillant au rythme de la respiration.
La transmutation de l’insomnie en éveil, des sels d’argent en métaux
précieux des icônes, produit en 1992 la série Or,
Tanger/ Or, Marseille/ Or, Barcelone qui balise l’itinéraire de
Jean Genet. Les photographies dévoilent encore la trace profane des
lieux mythiques et leur dimension sacrée.
L’amplification récente des alignements de Carnac en partition
musicale module aujourd’hui la tonalité du travail. En transposant
les repérages topographiques des menhirs en signaux électro-magnétiques
puis en intervalles et en sons sur l’ordinateur musical de Iannis Xénakis,
Morin associe étroitement rayonnement lumineux et phénomène
acoustique. Les palpitations visuelles mettent en résonance des forces
vitales. Le souffle propage une voix, tel le cri d’Artaud. M.
L. G.
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